Une histoire écrite par Gérald Bayet et mise en page par Claudine.

lundi 11 mars 2013






                                       Marc’h Brezhoneg était le nom d’un cheval de trait breton, plus précisément d’un postier breton. Non pas qu’il travailla à la poste, mais ses ancêtres oui, ce qui avait donné le nom à sa race.
Marc’h Brezhoneg donc appartenait à un couple d’anciens fermiers, aujourd’hui à la retraite, qui habitait toujours Kergrist, pas très loin de Paimpol. Marc’h Brezhoneg ne travaillait plus non plus et passait ses journées dans un petit champ, non loin du Lédano. Il ne s’ennuyait pas, car, presque tous les jours, il avait la visite d’un jeune garçon de Plounez, Loïc Tréguézec. Il arrivait tous les soirs, à la sortie de l’école, c’était sa dernière année, avec oh délice, une surprise qu’il tirait de sa poche. C’était un morceau de sucre, mais très rarement, car le sucre était rare et cher en ce temps là ; une carotte, récupérée discrètement chez maman, ou encore un morceau de pain, parcelle de son goûter de la veille, qu’il avait pris soin de laisser durcir. Les jours où il n’y avait pas de classe dans la semaine, ainsi qu’à chaque vacances, Loïc venait passer de logs moments avec Marc’h Brezhoneg. Il y passait même presque la journée, oubliant parfois l’heure, mais maman ne s’inquiétait jamais, sachant bien où il était.
Ces jours là, Loïc qui connaissait bien le cheval, entrait dans le pré avec lui. Marc’h Brezhoneg n’en avait pas peur non plus, au contraire, Il semblait que ces deux-là se sentaient rassurés l’un près de l’autre.
Loïc le caressait, lui parlait et le cheval, tête penchée vers lui, car il était assez grand, semblait l’écouter. Je suis même certain, à voir ses oreilles tendues vers lui, qu’il l’écoutait et même, mais chut…c’est un secret, qu’il lui répondait ! Oui, oui, ils avaient tous deux, de longues conversations ! Ils parlaient de tout et de rien, du temps qu’il faisait, de la mer plus ou moins calme, de Ki le chien, qui passait par là tous les matins ou de Kazh le chat des voisins qui venait chasser le mulot en fin de journée.

 
                             Et c’est là que commence l’histoire, que je vais vous conter !


           


                          Tout d’abord, excusez mon étourderie, je ne me suis pas présenté !
Je m’appelle Teuz, je suis un gentil Korrigan des prés. Je dis gentil, car le Korrigan peut-être bien ou malveillant, ou plus exactement, gentil avec les gentils et coquin avec les moins gentils. Il aime bien aussi, faire des farces, c’est le cas, asez souvent de mon ami Kéréores qui vit dans les landes toutes proches. Mais bon, revenons à notre histoire...


Tous les jours donc, Loïc rendait visite à son meilleur ami  March Brezhoneg et ils papotaient tous les deux. Un jour, je vis Loïc, qui semblait bien triste, conter ses déboires au cheval. Profitant de ma petite taille de nain, Korr comme on dit en breton et de mes grandes oreilles, je m’approchais discrètement et entendis ceci :

« J’ai le cœur gros Marc’h, car, comme tu dois le savoir, dans quelques mois c’est la course de pays de Plounez ».
Je dois vous expliquer qu’une course de pays, c’est une course qui oppose, chaque année, presque tous les commis des fermes des alentours, chevauchant leurs meilleures montures. Que chacun s’y prépare à l’avance et que, la remporter vous fait monter dans la considération du pays, mais aussi dans le coeur des belles !
« J’en ai bien parlé à papa et à maman, mais ils ont rigolé de moi et m’ont dit que je ne savais pas monter à cheval ! C’est vrai, je ne sais pas monter à cheval, mais j’ai quand même une gentille copine, Gwénaëlle et je voudrais qu’elle soit fière de moi ! »
« Ecoute moi bien, dit Marc’h Brezhoneg, si tu veux vraiment quelque chose, si tu t’en donnes la peine, si tu le mérites…tu peux l’avoir ! Et puis moi, ton idée, elle me plaît beaucoup, alors voilà ce que je te propose… »




-« Tous les jours, tu viendras avec un sac de toile.


-Un sac à patates ? dit Loïc.

-Oui !

-Mais pour quoi faire ?

-Il te servira de selle, d’ailleurs personne n’en possède , c’est trop cher pour un commis de ferme. Avec deux cordes de lieuse, tu le fixeras sur mon dos et tu commenceras à monter. Je t’apprendrai, tu n’auras qu’à écouter mes conseil et moi, j’irai tout doucement au début. Tu verras, tu prendras confiance en toi et ça va marcher ! »

Inlassablement, tous les jours, Loîc se rendait au pré du Lédano. Là , écoutez moi bien messieurs dames, le cheval quand il le voyait arriver, s’approchait de la barrière ! Eh oui ! le garçon était trop petit pour monter tout seul. Il attendait que Loïc ait posé sa toile de jute, l’ait attaché sous son ventre et après avoir grimpé sur la barrière, qu’il se soit hissé sur son dos, là , il partait doucement. Auparavant, Loïc lui avait passé un licol, récupéré chez le père Karou, à la forge.

Plusieurs jours de suite, Marc’h Brezhoneg alla ainsi, au pas, faisant le tour du champ en prenant bien garde de ne pas faire de mouvement de travers qui puisse déséquilibrer le jeune homme. Au fil du temps, Loïc s’enhardit et demanda si l’on pouvait essayer le trot.

« Pas de problème ! » lui dit le cheval !enfin presque, car Loïc avait tout de même bien du mal à rester au milieu du dos, penchant tantôt à gauche, tantôt à droite. .
« Normal, dit Marc’h Brezhoneg, décontracte toi plus, serre tes mollets et pas tes genoux et surtout, fais moi confiance ! »
Moi,  Teuz, qui vous conte cette aventure, je n’en menais pas large, mais cahin-caha, le trot prenait de l’allure, c’est le cas de le dire !
Restait tout de même la dernière étape de l’apprentissage et pas la moindre ! Courir, c’est bien, mais si vous restez au trot, vous ne verrez que le derrière de vos adversaires ! Il fallait passer à la vitesse supérieure, le galop ! 



De fait c’était assez émouvant de voir combien ils étaient complices ces deux là ! Marc’h Brezhoneg partait tout d’abord au pas, puis passait au petit trot accélérant progressivement pour passer du trop allongé au petit galop. Ce n’était pas gagné et Marc’h Brezhoneg prenait bien soin de ralentir dans les virages et de ne pas prendre trop de vitesses dans les lignes droites.


Loïc ne s’en sortait pas si mal ! Il y eu bien quelques chutes, mais sans conséquences et qui, en tout cas n’entamèrent pas sa détermination. D’ailleurs chaque fois que Loïc se retrouvait par terre, le cheval restait près de lui, tête baissée. Sans doute lui demandait-il s’il ne s’était pas fait mal, mais aussi, lui expliquait pourquoi il avait chuté.

Les jours passaient, celui de la course approchait, le tout était de savoir si notre couple cavalier-cheval , serait prêt !

Loïc n’avait rien dit à ses parents, trop peur que l’on se moqua encore de lui, mais il en avait parlé aux fermiers retraités, propriétaires du cheval. Ceux-ci avaient vu depuis longtemps ce petit manège, mais ils avaient laissé faire, tant ils avaient confiance en leur cheval. Ils acceptèrent donc, car ils auraient bien aimé, eux-mêmes, voir un jour Marc’h Brezhoneg participer à la course de pays de Plounez. Ils le savaient rapide, mais n’avaient jamais eu de commis, le ferme étant trop petite pour cela.



Le jour de la course arriva et quelle ne fût pas la surprise des parents de Loïc en le voyant arriver sur le dos du postier breton. Son père serait bien intervenu, mais il était trop tard !

Il y avait du monde partout, car on venait des communes voisines, Paimpol, Plourivo, Lézardrieux, Loguivy, Kerfot , Kérity. 


C’était en même temps, la fête au village et l’on entendait çà et là des bagadou, des sonneurs de bombarde, il y avait de l’animation quoi ! Il y avait des gars du Trégor qui venaient se frotter à ceux du Goêlo.
Et j’allais oublier…Il y avait nous, c’est à dire : moi Teuz, le Korrigan des prés, Kéréores, celui des landes et Boudic le Korrigan des fermes…Auxquels il faut ajouter les Ozégans, ainsi que quelques elfes et fées, mais tous, en toute discrétion !
Et voilà la course partie et bien mal partie pour Loïc, qui, manquant d’expérience, s’était fait surprendre. Mais la course était longue, partant de la sortie du bourg de Plounez, par les entiers, en direction de Kergrist, elle descendait au Lédano qu’elle longeait, remontait par le chemin de Mon Frère Yves pour arriver à Kéravel et enfin, toujours par les chemins, débouchait dans la Grand Prai, comme on l’appelait, où était jugée l’arrivée.
Marc’h Brezhoneg, comme Loïc, même s’ils étaient pour le moment bons derniers, ne paniquaient pas. Ils connaissaient, mieux que personne, les lieux et savaient qu’ici, mieux vaut partir prudent. La course était longue et l’on commençait à en voir quelques uns manquant déjà  d’air ! On savait que l’on ne finirait pas dernier, l’honneur était sauf !


On n’était pas encore à la chapelle de Kergrist, que Marc’h Brezhoneg en avait rattrapé la moitié. Et pourtant , il ne semblait même pas essoufflé c’est même lui qui réconfortait son ami :
« T’inquiète pas Loïc, on a encore le temps d’en gratter quelques uns et même si on fini pas premier, on ne sera pas loin de la tête ! 

-J’te fais confiance Marc’h et j’ai même pas peur, tu peux aller plus vite si tu veux !
-Patience ,patience Loïc, ce n’est pas encore l’endroit crucial !
-C’est où ?
-T’inquiète ! »
On descendait maintenant vers le Lédano, là où mes amis les Korrigans, les elfes et moi-même, avons donné un sérieux coup de main à un certain Pierre Loti pour y écrire son chef d’œuvre. 
Mais bon !
Pendant ce temps, les chevaux galopent et après avoir longé cette grande étendue d’eau, à la fois douce et salée à marée haute, remontent vers le chemin de Mon frère Yves en direction de Kéravel.
« Nous y voilà, dit March Brezhoneg, c’est le moment, c’est là que se joue la partie, cramponne toi ça va donner ! »
En effet, à cet endroit, le chemin remonte sérieusement et ceux qui étaient partis tambour battant, commencent à avoir le souffle court. Marc’h Brezhoneg lui, redouble de vigueur, le bruit de ses sabots martelant le sol s’amplifie tellement il y met de force. Avec la vitesse, cela devient une musique qui grise Loïc, qui, loin d’avoir peur rit à gorge déployée. Les concurrents qu’ils rattrapent se rangent même sur le côté et se laissent dépasser par ces fous furieux, croyant entendre Diaoul, le diable en personne arriver derrière eux !
Loïc avait la sensation de voler, tellement ils allaient vite. Les arbres, les branches défilaient de chaque côté de son cheval et il lui fallait se pencher en avant, mettre la tête contre la crinière pour ne pas les heurter.
Ils n’en finissaient pas de doubler des cavaliers, ils débouchaient déjà à Kéravel, encore quelques foulées plein galop et ils arriveraient dans la Grand Prai.

Tout avait été si vite, du départ jusqu’à maintenant, que Loïc ne pouvait dire à cet instant même combien de concurrents étaient devant lui.
Peu importait après tout, car ce qu’il avait vécu jusque là était déjà une victoire.
L’amitié et la complicités partagées avec Marc’h Brezhoneg, l’apprentissage d’une passion avec ses joies et ses douleurs, la fierté sûrement de ses parents et le regard de ces deux bons vieux retraités, autant émus par leur cheval que par son jeune cavalier, tout cela valait bien cent fois une victoire. Et puis, plus qu’un trophée, le sourire de Gwenaëlle l’attendait, suffisamment rayonnant pour lui dire combien elle était fière de lui !
Ces instants là, Loïc les savoura, collé à l’encolure de Marc’h Brezhoneg, jusqu’à la ligne d’arrivée et même après l’avoir passée…et moi, Teuz, je puis vous dire qu’ils les savourent encore tous les deux !




Mon histoire est finie,
mais n'oubliez pas Noël est le temps des contes!
Passez de joyeuses fêtes !