Marc’h
Brezhoneg était
le nom d’un cheval de trait breton, plus précisément
d’un postier breton. Non pas qu’il travailla à
la poste, mais ses ancêtres oui, ce qui avait donné
le nom à
sa race.
Marc’h
Brezhoneg donc appartenait à un couple d’anciens fermiers, aujourd’hui à
la retraite, qui habitait toujours Kergrist, pas très
loin de Paimpol. Marc’h Brezhoneg ne travaillait plus non plus et passait ses
journées
dans un petit champ, non loin du Lédano. Il ne s’ennuyait pas, car, presque tous les jours, il
avait la visite d’un jeune garçon de Plounez, Loïc Tréguézec.
Il arrivait tous les soirs, à la sortie de l’école, c’était
sa dernière
année,
avec oh délice,
une surprise qu’il tirait de sa poche. C’était un morceau de
sucre, mais très rarement, car le sucre était
rare et cher en ce temps là ; une carotte, récupérée
discrètement
chez maman, ou encore un morceau de pain, parcelle de son goûter
de la veille, qu’il avait pris soin de laisser durcir. Les jours où
il n’y avait pas de classe dans la semaine, ainsi qu’à
chaque vacances, Loïc venait passer de logs moments avec Marc’h Brezhoneg. Il y
passait même
presque la journée, oubliant parfois l’heure, mais maman ne s’inquiétait
jamais, sachant bien où il était.
Ces
jours là,
Loïc
qui connaissait bien le cheval, entrait dans le pré
avec lui. Marc’h Brezhoneg n’en avait pas peur non plus, au contraire, Il
semblait que ces deux-là se sentaient rassurés l’un près
de l’autre.
Loïc
le caressait, lui parlait et le cheval, tête penchée
vers lui, car il était assez grand, semblait l’écouter.
Je suis même
certain, à
voir ses oreilles tendues vers lui, qu’il l’écoutait
et même,
mais chut…c’est un secret, qu’il lui répondait ! Oui,
oui, ils avaient tous deux, de longues conversations ! Ils parlaient de
tout et de rien, du temps qu’il faisait, de la mer plus ou moins calme, de Ki
le chien, qui passait par là tous les matins ou de Kazh le chat des voisins qui venait
chasser le mulot en fin de journée.
Et
c’est là
que commence l’histoire, que je vais vous conter !
Tout d’abord, excusez mon étourderie, je ne me suis pas présenté !
Je m’appelle Teuz, je suis un gentil Korrigan des prés. Je dis gentil, car le Korrigan peut-être bien ou malveillant, ou plus exactement, gentil avec les gentils et coquin avec les moins gentils. Il aime bien aussi, faire des farces, c’est le cas, asez souvent de mon ami Kéréores qui vit dans les landes toutes proches. Mais bon, revenons à notre histoire...
Tous les jours
donc, Loïc rendait visite à son meilleur ami March Brezhoneg et ils papotaient tous les
deux. Un jour, je vis Loïc, qui semblait bien triste, conter ses déboires au cheval.
Profitant de ma petite taille de nain, Korr comme on dit en breton et de mes
grandes oreilles, je m’approchais discrètement et entendis ceci :
« J’ai le cœur gros Marc’h, car, comme tu dois le savoir,
dans quelques mois c’est la course de pays de Plounez ».
Je dois vous
expliquer qu’une course de pays, c’est une course qui oppose, chaque année, presque tous les
commis des fermes des alentours, chevauchant leurs meilleures montures. Que
chacun s’y prépare à l’avance et que, la remporter vous fait monter
dans la considération du pays, mais aussi dans le coeur des belles !
« J’en ai bien parlé à papa et à maman, mais ils ont rigolé de moi et m’ont
dit que je ne savais pas monter à cheval ! C’est vrai, je ne sais pas monter
à cheval, mais j’ai
quand même une gentille copine, Gwénaëlle et je voudrais qu’elle soit fière de
moi ! »
« Ecoute moi bien, dit Marc’h Brezhoneg, si tu veux
vraiment quelque chose, si tu t’en donnes la peine, si tu le mérites…tu peux
l’avoir ! Et puis moi, ton idée, elle me plaît beaucoup, alors voilà ce que je te
propose… »
-« Tous
les jours, tu viendras avec un sac de toile.
-Oui !
-Mais
pour quoi faire ?
-Il
te servira de selle, d’ailleurs personne n’en possède
, c’est trop cher pour un commis de ferme. Avec deux cordes de lieuse, tu le
fixeras sur mon dos et tu commenceras à monter. Je t’apprendrai,
tu n’auras qu’à écouter
mes conseil et moi, j’irai tout doucement au début.
Tu verras, tu prendras confiance en toi et ça
va marcher ! »
Inlassablement,
tous les jours, Loîc se rendait au pré
du Lédano. Là
, écoutez moi bien messieurs
dames, le cheval quand il le voyait arriver, s’approchait de la barrière !
Eh oui ! le garçon était
trop petit pour monter tout seul. Il attendait que Loïc
ait posé sa toile de jute, l’ait
attaché sous son ventre et après
avoir grimpé sur la barrière,
qu’il se soit hissé sur son dos, là
, il partait doucement. Auparavant, Loïc lui avait passé
un licol, récupéré
chez le père Karou, à
la forge.
Plusieurs
jours de suite, Marc’h Brezhoneg alla ainsi, au pas, faisant le tour du champ
en prenant bien garde de ne pas faire de mouvement de travers qui puisse déséquilibrer
le jeune homme. Au fil du temps, Loïc s’enhardit et demanda
si l’on pouvait essayer le trot.
« Pas de problème ! »
lui dit le cheval !enfin presque, car Loïc
avait tout de même bien du mal à
rester au milieu du dos, penchant tantôt à
gauche, tantôt à
droite. .
« Normal, dit Marc’h
Brezhoneg, décontracte toi plus, serre
tes mollets et pas tes genoux et surtout, fais moi confiance ! »
Moi, Teuz, qui vous conte cette aventure, je n’en
menais pas large, mais cahin-caha, le trot prenait de l’allure, c’est le cas de
le dire !
Restait
tout de même la dernière étape de l’apprentissage et pas la
moindre ! Courir, c’est bien, mais si vous restez au trot, vous ne verrez
que le derrière
de vos adversaires ! Il fallait passer à la vitesse supérieure, le galop !
De fait
c’était
assez émouvant
de voir combien ils étaient
complices ces deux là !
Marc’h Brezhoneg partait tout d’abord au pas, puis passait au petit trot accélérant
progressivement pour passer du trop allongé au petit
galop. Ce n’était pas
gagné et Marc’h
Brezhoneg prenait bien soin de ralentir dans les virages et de ne pas prendre
trop de vitesses dans les lignes droites.
Loïc
ne s’en sortait pas si mal ! Il y eu bien quelques chutes, mais sans conséquences
et qui, en tout cas n’entamèrent pas sa détermination.
D’ailleurs chaque fois que Loïc se retrouvait par
terre, le cheval restait près
de lui, tête
baissée.
Sans doute lui demandait-il s’il ne s’était
pas fait mal, mais aussi, lui expliquait pourquoi il avait chuté.
Les jours passaient, celui de la course
approchait, le tout était
de savoir si notre couple cavalier-cheval , serait prêt !
Loïc
n’avait rien dit à
ses parents, trop peur que l’on se moqua encore de lui, mais il en avait parlé aux fermiers retraités, propriétaires du cheval. Ceux-ci avaient vu
depuis longtemps ce petit manège,
mais ils avaient laissé
faire, tant ils avaient confiance en leur cheval. Ils acceptèrent donc, car ils auraient bien aimé, eux-mêmes, voir un jour Marc’h Brezhoneg
participer à
la course de pays de Plounez. Ils le savaient rapide, mais n’avaient jamais eu
de commis, le ferme étant
trop petite pour cela.
Le jour de la course arriva et quelle
ne fût
pas la surprise des parents de Loïc
en le voyant arriver sur le dos du postier breton. Son père serait bien intervenu, mais il était trop tard !
Il y avait du monde partout, car on venait des communes voisines, Paimpol,
Plourivo, Lézardrieux,
Loguivy, Kerfot , Kérity.
C’était
en même temps, la fête
au village et l’on entendait çà et là
des bagadou, des sonneurs de bombarde, il y avait de l’animation quoi ! Il
y avait des gars du Trégor qui venaient se
frotter à ceux du Goêlo.
Et j’allais oublier…Il y
avait nous, c’est à dire : moi Teuz, le
Korrigan des prés, Kéréores,
celui des landes et Boudic le Korrigan des fermes…Auxquels il faut ajouter les
Ozégans, ainsi que quelques
elfes et fées, mais tous, en toute
discrétion !
Et voilà
la course partie et bien mal partie pour Loïc,
qui, manquant d’expérience, s’était
fait surprendre. Mais la course était longue, partant de
la sortie du bourg de Plounez, par les entiers, en direction de Kergrist, elle
descendait au Lédano qu’elle longeait,
remontait par le chemin de Mon Frère Yves pour arriver à
Kéravel et enfin, toujours
par les chemins, débouchait dans la Grand Prai,
comme on l’appelait, où était
jugée l’arrivée.
Marc’h Brezhoneg, comme
Loïc, même
s’ils étaient
pour le moment bons derniers, ne paniquaient pas. Ils connaissaient, mieux que
personne, les lieux et savaient qu’ici, mieux vaut partir prudent. La course était longue et l’on commençait à en voir quelques uns manquant déjà d’air ! On savait que l’on ne finirait
pas dernier, l’honneur était
sauf !
On n’était
pas encore à la chapelle de Kergrist,
que Marc’h Brezhoneg en avait rattrapé la moitié.
Et pourtant , il ne semblait même pas essoufflé
c’est même lui qui réconfortait
son ami :
« T’inquiète
pas Loïc, on a encore le temps
d’en gratter quelques uns et même si on fini pas
premier, on ne sera pas loin de la tête !
-Patience ,patience Loïc,
ce n’est pas encore l’endroit crucial !
-C’est où ?
-T’inquiète ! »
On descendait maintenant
vers le Lédano, là
où mes amis les Korrigans,
les elfes et moi-même, avons donné
un sérieux coup de main à
un certain Pierre Loti pour y écrire son chef d’œuvre.
Mais bon !
Pendant ce temps, les
chevaux galopent et après avoir longé
cette grande étendue d’eau, à
la fois douce et salée à
marée haute, remontent vers
le chemin de Mon frère Yves en direction de Kéravel.
« Nous
y voilà, dit March Brezhoneg,
c’est le moment, c’est là que se joue la partie,
cramponne toi ça va donner ! »
En effet, à
cet endroit, le chemin remonte sérieusement et ceux qui étaient
partis tambour battant, commencent à avoir le souffle court.
Marc’h Brezhoneg lui, redouble de vigueur, le bruit de ses sabots martelant le
sol s’amplifie tellement il y met de force. Avec la vitesse, cela devient une
musique qui grise Loïc, qui, loin d’avoir peur
rit à gorge déployée.
Les concurrents qu’ils rattrapent se rangent même
sur le côté
et se laissent dépasser par ces fous
furieux, croyant entendre Diaoul, le diable en personne arriver derrière
eux !
Loïc
avait la sensation de voler, tellement ils allaient vite. Les arbres, les
branches défilaient de chaque côté
de son cheval et il lui fallait se pencher en avant, mettre la tête
contre la crinière pour ne pas les
heurter.
Ils n’en finissaient pas
de doubler des cavaliers, ils débouchaient déjà
à Kéravel,
encore quelques foulées plein galop et ils
arriveraient dans la Grand Prai.
Tout avait été si vite, du départ jusqu’à maintenant, que Loïc ne pouvait dire à cet instant même combien de
concurrents étaient devant lui.
Peu importait après tout, car ce
qu’il avait vécu jusque là était déjà une victoire.
L’amitié et la complicités partagées avec Marc’h
Brezhoneg, l’apprentissage d’une passion avec ses joies et ses douleurs, la
fierté sûrement de ses parents et le regard de ces deux
bons vieux retraités, autant émus par leur cheval que par son jeune cavalier,
tout cela valait bien cent fois une victoire. Et puis, plus qu’un trophée, le sourire de
Gwenaëlle l’attendait, suffisamment rayonnant pour lui dire
combien elle était fière de lui !
Ces instants là, Loïc les savoura, collé à l’encolure de
Marc’h Brezhoneg, jusqu’à la ligne d’arrivée et même après l’avoir passée…et moi, Teuz, je puis vous dire qu’ils les
savourent encore tous les deux !
Mon histoire est finie,
mais n'oubliez pas Noël est le temps des contes!
mais n'oubliez pas Noël est le temps des contes!
Passez de joyeuses fêtes !